Manager une… diva

Une divaDans l’éventail des personnalités, du collaborateur facile au plus délicat, il en est une qui échappe à toute catégorie, c’est la diva. Une diva, c’est un collaborateur qui demande un traitement spécial, faveur due à son talent ou sa grandeur ; il méprise le reste du monde, se comporte en enfant gâté et avec exubérance. Une prise de pouvoir sur son environnement, et un vrai challenge pour le manager, tant dans la relation avec sa diva, que dans les effets sur l’équipe. Comment manager une diva sans déchanter ?

Peut-être connaissez-vous un Marco :

Marco est la diva par excellence. Il arrive à l’heure qui lui plaît et ne souffre aucune remarque ; en rendez-vous client, il peut partir d’un coup parce qu’il n’a pas aimé une remarque, et s’offusquer de la manière dont il a été traité. Marco a toujours besoin d’avoir des traitements de faveur. Si l’équipe de graphistes reçoit des écrans plus récents, il exige lui aussi d’avoir du matériel neuf, alors que le sien avait déjà été changé 3 mois auparavant. Il n’accepte que les demandes qui l’intéressent et le valorisent, et lui sont faites avec déférence. Hors de question qu’il s’abaisse à faire un travail de « graphiste » alors qu’il est directeur artistique ; il délègue avec dédain toute tâche qu’il juge en-dessous de son niveau.

Vous avez/aurez peut-être affaire à une diva comme Marco en tant que manager. Capricieux, prétentieux, susceptible, c’est un homme ou une femme compliqué(e) à manager.

Quelques pistes de réflexion :

Ménager la chèvre et le chou

Une diva, cela peut être simplissimo : donnez-lui tout ce qu’elle attend et vous aurez la paix. Seulement, ses exigences et menaces sont parfois telles que vous seriez prêt(e) à beaucoup pour éviter que la diva vous claque entre les doigts – pour un jour ou pour toujours. Or, en ménageant la diva (la chèvre), vous risquez de déplaire à l’équipe (le chou).

Exemples :

  • votre diva fait une énorme bourde, vous ne dites rien, alors que vous ne passez pas la moindre erreur au reste de l’équipe. Et c’est toujours comme ça – l’équipe en a assez, c’est injuste !
  • votre diva a un bureau plus spacieux, un ordinateur dernier cri, le reste de l’équipe se contente d’un open space surpeuplé et de machines qui rament
  • la diva reçoit de votre part beaucoup de louanges, de félicitations, même quand elle n’a fait que son travail ; l’équipe peut faire des merveilles et n’avoir aucun commentaire de votre part (car vous craignez de déplaire à la diva en rendant hommage à l’équipe)

Certes, votre diva a souvent un grand besoin d’être reconnue. Mais vous dire que l’équipe a moins besoin de votre attention et de reconnaissance que votre diva, c’est un calcul à considérer sur la durée. Chacun a besoin de sa part de reconnaissance !
>> Lire : Reconnaissance au travail : le grand malentendu ?
et la suite Reconnaissance au travail : le grand malentendu ? (2)

Prendre conscience de la relation

La diva vous entraîne dans son système à elle, où tout lui est dû. Où sont vos limites dans cette relation ? Sont-elles déjà dépassées ? Prendre conscience de la réalité de votre relation avec votre diva est important ; en cela les feedbacks de votre équipe, de collègues, de vos N+1 peuvent vous éclairer.

Exemples :

  • votre directeur général s’impatiente et vous dit de plus en plus souvent « alors, ça avance avec ta diva ? Tu maîtrises ? »
  • l’équipe vous fait la tête et ne veut plus travailler avec la diva
  • vous avez des échos de petits noms que l’on donne à votre relation (« père & fils », » le couple », …)

A côté du feed-back extérieur, vos propres émotions aussi sont à écouter ; si vous ressentez de l’agacement, de la colère, voire de la honte, que vous disent ces sensations? Vous respectez-vous dans cette relation ?

Une piste de réflexion : vérifiez qu’il n’y a pas de jeu psychologique entre vous et cette « diva ». La relation est-elle saine et exempte de manipulation ?

>> Lire : Jeux de pouvoir en entreprise et triangle dramatique de Karpman

D’autre part, bien connaître vos limites est une autre clé, pour une relation saine et dans laquelle vous respectez vos propres besoins. Le propre d’une diva, c’est de franchir les lignes rouges tant qu’on ne l’arrête pas.

>> Lire : Y a des limites ! (mais lesquelles?) ou l’art de cadrer

Choisir en conscience

Une fois les pistes précédentes explorées, vous avez une vue d’ensemble de la situation. Vous pouvez alors choisir comment vous managez votre diva et quelle place vous lui faites.
J’ai eu l’occasion d’observer par deux fois des divas à l’oeuvre, et j’ai relevé dans les deux cas que les managers concernés avaient tendance à minimiser le coût de leur diva, au regard de ses qualités inestimables. Cette perception les amenait à accepter bien des excès de la part de leur collaborateur « diva ».

Vous avez une diva dans votre équipe ? Faites le point sur les bénéfices qu’elle apporte à l’entreprise, et sur le prix à payer.
Par exemple :

Bénéfices :
– talent technique ou artistique
– maîtrise de son sujet
– force de conviction face aux clients
– les clients et prospects se souviennent de vous !
– apport en innovations
– autorité sur l’équipe
– etc.

Coûts :
– salaire mirobolant
– relations houleuses avec les clients
– … et risque de les perdre !
– relations houleuses avec le reste de l’équipe (fait cavalier seul et méprise les autres)
– risque de perdre des collaborateurs dans l’équipe (par manque de reconnaissance, sentiment d’injustice, etc.)
– risque d’incompréhension ou de désaccord avec votre direction qui ne perçoit pas la balance bénéfices/coûts comme vous
– éventuellement risque de perdre votre crédibilité en cautionnant ce que personne ne comprend

Au final, votre diva a-t-elle un talent, des compétences, une expertise qui justifient ce coût ?
Si l’on vous demande souvent « Que lui trouves-tu ? » c’est que la balance n’est peut-être pas si bénéficiaire aux yeux de tous.

Ex :

J’ai connu une diva qui n’avait de diva que l’attitude insupportable. Une attitude arrogante qui masquait de vraies failles professionnelles… voire une incompétence, et des fautes graves. En fait, cette personne était l’incarnation du bluff, une partie de l’équipe l’avait démasquée mais elle était protégée par le patron qui couvrait tous ces excès et erreurs. Alors, le règne de la diva durait, durait, au grand dam du reste de l’équipe et au grand agacement de certains clients.

Trouver les leviers

Vous avez décidé de garder toute sa place à votre diva qui en vaut la chandelle ? Bien, maintenant comment la manager au quotidien ? Il s’agit de comprendre cette personnalité complexe et de trouver les bons leviers dans votre relation avec elle.

Quelques pistes :

– Considérer la possibilité que cette diva ait une estime d’elle-même plutôt instable derrière son côté prétentieux. Un aussi grand besoin de reconnaissance n’est pas le signe d’une estime de soi solide…
>> Manager un… faible estime de soi

En reconnaissant sa valeur, vous préservez la motivation de votre diva – encore plus qu’avec tout autre collaborateur – et vous ménager sa blessure narcissique. Attention toutefois à ne pas contribuer à lui donner la grosse tête.

– Lui apporter de l’écoute pour la comprendre (et désamorcer son besoin d’être vu(e) et entendu(e) !)
>> L’écoute active, voie royale de l’efficacité
Reformulation & Management : compréhension, action

– Apprendre à gérer sa personnalité difficile
>> Manager un… imprévisible

Trouver sa juste place
Quelle est le domaine d’excellence de votre diva, où exprime-t-elle le mieux son talent ?
exemple :

j’ai connu un directeur artistique excellent dans son art mais qui faisait beaucoup de dégâts en tant que manager de l’équipe de graphistes. De plus, il perdait son énergie à manager l’équipe et pendant ce temps, ne produisait pas (double perte). Son N+1 a fait le choix de le cantonner à la création artistique pure, sans aucune équipe à manager, et tout s’est mieux passé pour tous.

NB : n’oubliez pas de lui donner un statut associé à cette place.

Et vous ? Vous avez un(e) diva dans vos équipes, comment cela se passe-t-il ? Comment gérez-vous votre relation avec lui/elle ?

Conclusion :

Manager une diva est l’occasion de travailler sur soi-même, sa posture, ses limites et ce que l’on engage dans la relation à l’autre. De plus, c’est une relation qui peut générer des émotions fortes, donc une opportunité de faire grandir son intelligence émotionnelle.

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