Manager par le silence

Bulle de dialogue barrée, silenceDans certaines entreprises, aux yeux du management, le silence est d’or. Une réorganisation, un départ, une faute, un rachat : l’information est tenue secrète le plus tard possible, alimentant Radio Moquette et générant rumeurs et interprétations. Certes le souci de maîtriser la communication dans un environnement incertain et complexe peut conduire au choix du silence. Mais les conséquences d’une absence de communication interne peuvent être lourdes : suspicions, inerties, rumeurs… Alors pourquoi ne pas choisir sa communication, pourquoi taire envers et contre tout ?

Je suis interpelée par plusieurs exemples récents, autour de moi, de management par le silence.

Le premier, c’est un cadre qui apprend à deux jours du départ d’un collègue, que celui-ci s’en va et que lui-même reprend ses dossiers. Classique ?
Le second, c’est un manager qui omet d’annoncer à son équipe qu’un contrat important a été signé, qui va leur donner du travail pour un moment. Oubli ?
Le troisième, c’est un directeur qui reçoit un email d’une relation professionnelle qu’il avait recommandée à son PDG, et cette relation lui demande aujourd’hui des informations stratégiques ; le directeur vérifie donc à quel titre ce monsieur les lui demande, et apprend qu’il vient d’intégrer l’équipe de direction… sans que personne ne soit au courant. Maladresse ou mépris ?

Si le silence d’une entreprise vers l’extérieur est souvent justifié, quel sens prend ce silence dans la relation managériale et quels sont ses effets ?

Maîtriser l’information

Si l’on prend le silence volontaire, délibérément choisi, il résulte souvent d’un besoin de maîtriser l’information. Un besoin de contrôle qui entraîne le manager vers plus ou moins de rétention d’information. A un bout du spectre il y a le manager bavard, qui n’a pas peur des mots et transmet la plupart des informations stratégiques à son équipe ; et il y a, à l’opposé, le manager frileux ou contrôlant qui en dit le moins possible à ses collaborateurs, silence radio.

Le contrôle de l’information donne (l’impression d’avoir?) le pouvoir : être « dans le secret des dieux », « dans les petits papiers » de ceux qui savent, qui sont informés, serait synonyme de privilèges liés au statut et à l’importance de la personne informée. L’information serait pouvoir et sa rétention, le garder.

Il est vrai que la maîtrise de la communication a ses avantages : elle permet de choisir le contenu et le moment de sa diffusion (un timing précieux, nous y reviendrons). Garder des informations secrètes évite des réactions et une propagation qui pourraient aller à l’encontre des objectifs de l’entreprise ou de la direction.

Problème : on ne peut pas ne pas communiquer. Les non-dits parlent d’une manière ou d’une autre, dans les comportements, le non verbal, dans des détails de nos actes quotidiens et sans que nous en soyons conscients.

Inconsciences

Le grand problème de ces communications absentes ou lacunaires, c’est leur effet sur la confiance. Quand les équipes se disent « On nous cache tout, on nous dit rien… » la relation des managés à leur manager s’en ressent.

La perte de confiance

Cet effet est double : c’est à la fois la confiance des équipes dans leur management muet qui est en cause, mais également leur confiance dans l’avenir (celui de l’entreprise et le leur). Le silence fait le lit du doute et de la suspiscion. Méfiance, incertitude, sensation de flottement, stress, agitation, impression d’être perdu ou déstabilisé… les émotions générées relèvent pour la plupart de la peur.
Et ces peurs comme toutes peurs peuvent entraîner 3 types de réactions :
– la fuite : arrêt maladie, désengagement, démission…
– la paralysie : inertie, travail au ralenti…
– le combat : agressivité, tensions…

Et c’est sans compter le temps passé par chacun à participer aux rumeurs ou tenter de percer le mystère avec plus ou moins de fantasmes. Est-ce vraiment cela que vous voulez, managers ?
Au mieux, cela peut renforcer la cohésion au sein des laissés pour compte de l’information. Plus probablement, l’absence de communication crée la fracture.

Si le lien de confiance en souffre, c’est peut-être parce que taire des informations qui concernent son équipe, c’est pour un manager traiter l’interne (son équipe) comme l’externe (toute personne qui n’appartient pas à l’entreprise).

Alors que j’étais consultante en mission depuis quelques années chez un client (grand groupe), je n’avais pas toujours pas accès aux informations « stratégiques » qui étaient par ailleurs partagées avec mes collègues internes. Normal peut-être puisqu’un consultant même longue durée reste « un externe » mais… dans la forme, dans le comportement, il y avait cet évitement de la part du management, et comme une suspicion (c’est ainsi que je le percevais) du fait de mon statut d’externe.

Ce même mécanisme peut toucher des équipes internes avec encore plus de désagrément.

La perte de sens

Le management par le silence a encore d’autres effets sur la motivation et l’engagement : il y a aussi la perte de sens pour les équipes. Pourquoi ? Parce que les informations transmises par le management donnent un sens (direction et signification) au travail accompli, font écho à la motivation intrinsèque de chacun, permet à chaque collaborateur de situer son action dans un tout collectif auquel il contribue.

Exemple :

Un cadre voit des changements autour de lui, comme un air de réorganisation, des personnes changent de périmètre, leurs attentes envers lui ne semblent plus les mêmes, comme si les rôles avaient été redistribués mais il n’est au courant de rien ! « ça n’a pas de sens » se dit-il, « je n’ai pas été informé d’une quelconque réorganisation et pourtant tout donne l’impression que… »

Dans le cas des silences à répétition, la relation management-équipes peut d’altérer durablement.

Je connais deux entreprises qui n’annoncent jamais les départs de leurs collaborateurs. Ni avant, ni au moment du départ, ni après. Les collègues l’apprennent par… l’email de départ du collaborateur, sauf quand il s’est confié discrètement à une ou deux oreilles. Alors dans ces entreprises, l’idée circule que l’on peut disparaître du jour au lendemain façon trappe qui s’ouvre par surprise et en silence. Climat légèrement anxiogène, impression d’être un numéro, léger dégoût et désengagement : chacun réagit à sa manière.

Dans ces deux exemples, ceux qui ne sont pas « dans la boucle » de l’information importante peuvent se dire qu’ils ne représentent rien aux yeux de leur management, quel est alors le sens de leur engagement dans l’entreprise ?

Et l’efficacité ?

Si l’on veut être très pragmatique et laisser de côté les risques « psycho-sociaux » sus-mentionnés – encore qu’à mon avis il s’agisse bien du coeur de la relation managériale, un vrai « levier de la performance » ! – il reste encore des conséquences très concrètes au management par le silence.

Dans le cas d’un départ gardé secret jusqu’au bout, le transfert de compétences risque d’être minimaliste avec une perte de savoir et de savoir-faire. Bien sûr, personne n’est irremplaçable… mais le bénéfice du silence vaut-il la perte de temps et d’efficacité ?

Pour un déménagement surprise, annoncé la veille à l’équipe, le risque est dans le manque de préparation et l’éventuel manque de collaboration – voire, la résistance ouverte – de l’équipe. Exemple vécu :

Un matin une brochette de techniciens débarque dans l’open space, s’approche et commence à prendre des mesures sur les bureaux qui nous entourent. Avec mon équipe, nous apprenons qu’un déménagement est prévu l’après-midi même, nous sommes déplacés sur un autre plateau. Le pourquoi, le comment ? Mystère. Alors forcément, nous avons plus envie de passer la matinée à chercher à comprendre ou à nous indigner, qu’à aider le mouvement.

Une habitude de communication tardive crée des surprises voire des chocs à répétition : ces à-coups ne sont pas sans conséquences sur le stress et sur l’efficacité des équipes.

Ainsi le management par le silence a des conséquences non négligeables : incompréhension, adhésion tiède au changement, méfiance, résistance…

Alors quels bénéfices sont supérieurs à ce coût, et guident le choix du silence ? Autrement dit quel est le ROI (retour sur investissement) du silence ?

Le ROI du silence

Mettons de côté le silence managérial involontaire comme dans l’exemple cité au début : le manager qui oublie de communiquer une bonne nouvelle, a simplement laissé passer des opportunités de le faire, mais il n’est pas trop tard. Ce silence-là pose d’ailleurs la question du timing de la communication ; ce n’est plus « si » on communique, c’est « quand » on communique.

Nous avons vu quelques bénéfices du silence pour un manager : il permet de maîtriser le contenu, le timing et la diffusion plus large de l’information. Maîtriser l’information est dans certains contextes indispensable pour rester crédible ; annoncer par exemple une stratégie de développement, puis revenir dessus, et encore une fois communiquer une nouvelle orientation risque de déstabiliser les destinataires de ces communications. Le timing par ailleurs est une clé de certaines communications : annoncer à un collaborateur qu’il est promu, annoncer en interne les chiffres du bilan consolidé… il y a un Kairos pour tout.

>> Lire : L’art du timing

La stratégie du silence a d’autres bénéfices moins avouables, comme le fait de (croire?) garder du pouvoir.
Il peut aussi s’agir de minimiser l’importance du fait qui est tu ; dans le cas d’un départ, par exemple, si l’on souhaite que la personne tombe rapidement dans l’oubli (comme une forme de déni). Le silence peut également être manipulatoire quand il ne concerne qu’une personne isolée, tenue hors de la boucle de l’information dans un but de déstabilisation.

Et puis, il y a aussi des peurs autour du choix de manager par le silence :

peur des rumeurs (c’est raté, elles sont encouragées par le silence),
peur d’être jugé ou mis en cause par les équipes (dans le cas de décisions contestables par exemple)
peur du temps que prend toute cette communication auprès des équipes
peur plus globale des réactions émotionnelles, des réactions de groupe
peur de ne pas savoir bien communiquer

Le silence, au fond, c’est la paix !

Un autre bénéfice du management par le silence, c’est pour les managers, d’éviter les erreurs de communication. Dans un contexte d’incertitude et de complexité, le management peut adopter pour ligne de conduite le principe de précaution le plus strict. « Dans le doute, ne dis rien. » Comme une femme enceinte n’annonce pas sa grossesse avant 3 mois, un dirigeant peut choisir de ne pas mentionner l’arrivée d’un nouveau manager avant d’avoir la certitude qu’ il est installé dans les murs et prêt à démarrer sa mission… voire, que sa mission se déroule depuis déjà quelques semaines et que tous les voyants sont au vert.
Annoncer une stratégie, un plan d’action, des objectifs, le départ d’un collaborateur… toute communication est prise de risque. Le silence, c’est la sécurité !

Ainsi s’instaure ici et là une culture du silence, avec ses rois du silence à qui il faut tirer les vers du nez. Ils parlent oui,  mais à des personnes choisies et toujours avec l’injonction « ça reste entre nous »,  « ça ne sort pas d’ici ».

Lire : >> On va où, capitaine ?

Eloge de la transparence

Je ne peux pas terminer sans questionner la transparence et ses bénéfices. Que peut apporter le fait de divulguer en toute transparence, ces informations suffisamment sensibles aux yeux des managers pour qu’ils aient tendance à le taire (voir exemples plus haut) ?

Si communiquer est un risque, le prendre s’avère payant pour avoir le choix du contenu diffusé. En effet, le silence ne donne pas toujours la maîtrise attendue sur l’information diffusée : le vide créé est vite rempli par les élaborations créatives des équipes, avec des effets potentiellement négatifs pour le management.

Communiquer c’est clarifier, donc éviter le flou et les effets de surprise désagréables.

Communiquer c’est donner du sens, une direction et une signification aux actes quotidiens. C’est permettre aux collaborateurs de comprendre l’environnement dans lequel ils oeuvrent.
Communiquer, c’est se donner les moyens d’être suivi.

Communiquer c’est se positionner, un acte managérial fort. Un acte de leadership aussi.

Managers, qu’en pensez-vous ?
Vous avez bien sûr le droit de garder le silence…

Questions de coach :

Ces deux dernières semaines, quelles informations vous êtes-vous gardé(e) de communiquer à vos équipes ?

  • Ce silence était-il volontaire ?
  • Que vous a-t-il permis de faire ou d’éviter de faire ?
  • Que vous a-t-il coûté ?

 

13 Commentaires

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  1. Je viens de lire votre article. Je le trouve particulièrement intéressant, juste et illustré,
    au coeur des problématiques rencontrées et loin des banalités d’usage.
    Je suis impressionnée.
    Cordialement,
    Nelly

    • Hélène sur 18 juin 2013 à 23 h 15 min
    • Répondre

    Chère Karine,

    Merci pour votre réponse et pour la piste proposée.
    Oui se positionner, s’interposer, c’est initier le changement par l’exemple.
    C’est être celui ou celle qui prend le risque de dire que ça ne convient pas.
    Et qui pour avancer, propose d’autres solutions avec de meilleures pratiques managériales voire un retour au bon sens dans l’entreprise.
    Avec un peu de courage, et une forte dose de ténacité, on a des chances d’impacter le système et de le faire évoluer sans chercher à le changer frontalement.
    Il faut croire que c’est la meilleure façon de procéder…

    • Hélène sur 15 juin 2013 à 15 h 08 min
    • Répondre

    Bonjour,

    Quel excellent article sans langue de bois et dont je partage absolument toute l’analyse. Les témoignages notamment de Françoise et d’Estelle sont édifiants et troublants dans le même temps, car on y sent une prise de distance déconcertante par rapport à ce qui leur arrive, alors qu’elles sont forcément en souffrance et désarmées par la violence de ce type de management.
    Qu’elles se rassurent ou se consolent de n’être pas seules, car cela peut aller encore plus loin hélas…
    Que dire quand un manager apprend par la rumeur et non pas par sa Direction N+1, qu’on a prévu de lui retirer prochainement son assistante sans lui demander son avis ni la remplacer, et que cela va désorganiser tout son service ?
    Que dire quand il apprend de la même façon qu’une plateforme de son service est prévu d’être totalement démantelée et dispersée ? Et qu’on ne lui annonce qu’au moment où la décision est déjà prise, sans avoir été consulté pour préparer l’organisation future ?
    Que dire quand vous arrivez un matin et que certaines portes vitrées qui vous permettaient d’avoir une visibilité sur l’accueil du Service, ont été peintes de manière opaque sans vous consulter, remettant en question la dynamique de votre service et la fluidité de la communication ?
    Que dire quand votre N+1 passe son temps à vous rabâcher, « Tu ne sais pas tout, il y a plein de choses qui sont en discussion, mais tu n’es pas au courant…. » ?
    Que dire quand vous apprenez par d’autres collaborateurs que la Direction envisage un autre poste pour vous (qui sent la voie de garage à plein nez ?)
    Et enfin que dire quand vous commencez à vous interposer sur ce genre de mauvaises pratiques, improductives pour la bonne conduite de l’entreprise, et qu’on vous menace « d’avoir perdu une bonne occasion de vous taire ……. »?
    Justement, encourageant fermement la loi du silence….. rendant totalement impuissant le manager, décredibilisé auprès de son équipe…
    Situation classique ? Rien que de banals oublis ? de la simple maladresse ou du véritable mépris ? Comme ne semble pas y croire elle même Karine….
    Alors oui, il semblerait que parfois quand certains Dirigeants manquent de compétences, ce type de démarche les rassure pour asseoir leur pouvoir, prendre la main sur des collaborateurs qui risqueraient de leur faire de l’ombre, les tenir à distance, les neutraliser en affaiblissant leur marge de manoeuvre et la légitimité de leur rôle.
    La question pour Karine est la suivante : On fait quoi pour contrer tout ça ? et on a des chances de s’en sortir comment ???

    Mais encore merci pour la bouffée d’air que procurent tous vos articles, parce qu’ils osent parler vrai de ce que peut être la jungle en entreprise ….

      • Karine sur 18 juin 2013 à 12 h 52 min
      • Répondre

      Merci Hélène pour ce commentaire qui complète bien le propos.

      Que faire pour « contrer tout ça » ? J’aimerais bien avoir la réponse !

      Peut-être agir, soi-même, dans chaque situation qui ne nous convient pas, en nous positionnant. C’est-à-dire initier le changement ici et maintenant de là où nous sommes, sans forcément chercher à changer le système tout autour… et compter sur l’effet d’entraînement à moyen ou long terme ?

    • Estelle sur 8 décembre 2012 à 9 h 20 min
    • Répondre

    Je suis arrivée à cet article en faisant une recherche sur l’établissement de preuve de harcèlement moral par la rétention d’information volontaire dans le but de nuire et de mettre compromettre la carrière professionnelle. Cet article est intéressant car il démontre, a fortiori l’impact sanitaire d’une communication silencieuse sur la personne ou le groupe de personnes qui en sont les « victimes ». Si l’on peut déceler qu’un même manager passe en fonction de ses interlocuteurs d’une communication transparente dans le bon timing, à une communication poussive, voire nulle, alors toutes les peurs sont possibles.
    Comment expliquer les motivations du manager?
    Comment l’amener à admettre ces différences de comportement quand il semble les nier?
    Comment rentrer dans le circuit d’information utile et nécessaire à l’accomplissement efficace de sa fonction quand la rétention d’information est manipulatoire?…
    Je cherche et je dors mal

    • Adewou Sewa Mensah sur 29 novembre 2012 à 11 h 01 min
    • Répondre

    Bonjour Karine,
    Je suis M. Adewou Sewa Mensah, Togolais en Afrique de l’Ouest.
    Je suis le chef du projet  »Direct-Go internet sur mesure ». Son objectif est de libérer les internautes de l’Afrique de l’ouest du surf improductif en produisant des contenus destinés à améliorer les connaissances et à renforcer les capacités des ressources humaines. Sauter le gap du savoir est notre vision.
    Le public visé est: les mangers – les cadres marketing/vente – les gestionnaires de projet – les étudiants en LMD.
    C’est dans ce cadre que j’ai eu le plaisir de lire votre article  »Manager par le silence ».
    En effet, l’amélioration des pratiques managériales fait partie des contenus que nous produisons. Nous avons donc besoin d’expertise pour donner des bases scientifiques au projet.
    Ma question est celle-ci: dans quelle mesure pouvons-nous développer un partenariat gagnant-gagnant dans votre domaine de compétence et à quelles conditions?
    A terme, nous envisageons mettre en œuvre du e-learning dans les domaines suivants: management – marketing/vente – communication d’entreprise – Économie socilale et solidaire – Pedagogie – Développement durable.
    La teneur de votre article fait de réflexions et d’exemples de pratique répond à notre cahier des charges: éviter la théorie, faire court, faire du learning by doing.
    J’espère avoir le plaisir de vous lire très prochainement.
    Meilleures salutations
    Adewou Sewa Mensah

      • Karine sur 3 décembre 2012 à 18 h 32 min
      • Répondre

      Bonjour
      Merci de votre message, je vous ai répondu par email.
      Cordialement,
      Karine

    • Françoise sur 10 mai 2012 à 2 h 13 min
    • Répondre

    Encore un excellent article, très complet, Karine, et effectivement sur un sujet rarement traité. J’ai vécu ça dans mon dernier poste : mon départ (poste de directrice), décidé très brutalement par ma hiérarchie et sans dialogue ni justification officielle, n’a tout simplement pas été annoncé en dehors du service, ni aux services collaborateurs, ni aux partenaires, ni aux publics usagers, et aucun échange n’a eu lieu pour la reprise en main des dossiers. Je suis partie comme une voleuse (enfin, ça aurait pu être le cas mais je ne l’ai pas géré comme ça en interne en tous cas). Si on ajoute à cela que ma remplaçante n’est arrivée que 8 mois plus tard et qu’entre-temps les deux tiers de l’équipe de direction avait décidé de s’en aller…

    J’ai bien supputé les raisons qui ont entrainé ce silence – surtout les diverses peurs que vous listez – mais les conséquences que vous indiquez aussi sur la motivation des équipes, sur la crédibilité, sur l’efficacité par la suite… me semblaient tellement plus graves que j’avoue que je continue de mal comprendre ce genre d’attitude. Je crois qu’il y a aussi beaucoup de déresponsabilisation : le niveau le plus haut laissant ceux d’en dessous gérer et ceux d’en dessous considérant que, puisque ce n’est pas leur décision, ce n’est pas à eux de prendre en charge les conséquences. Très instructif en tous cas, quand on le vit de l’intérieur, sur tous les plans, y compris celui de la solidarité d’équipe qui peut se révéler dans ces moments-là.

      • Karine Aubry sur 10 mai 2012 à 12 h 12 min
      • Répondre

      Un grand merci Françoise pour votre partage très intéressant et qui montre à quel point le silence peut être contre-productif. Votre expérience pose concrètement la question du ROI du silence et il est ici clairement négatif. Quel prix pour tous ! Et quels moments pour vous, même si en les traversant vous avez reçu le cadeau de la solidarité de votre équipe.

      Je suis en phase avec vous sur la question de la responsabilité, le « ce n’est pas à moi de le faire » contribue à créer ce type de situations que je qualifie d’ubuesques.

      Dans le même esprit j’ai assisté parfois à des départs de collaborateurs après des années de bons services, et à qui personne n’avait prévu de cadeau de départ – dans des maisons où cela se faisait pourtant couramment : chacun pensait que c’était à l’autre de le faire… jusqu’à ce qu’au dernier moment, quelqu’un prenne in extremis la chose en mains.
      En toile de fond de ces questions de déresponsabilisation individuelle, on trouve encore et toujours… le manque de communication !
      Pour revenir à votre exemple où « le niveau le plus haut laisse les niveaux d’en-dessous gérer », encore faut-il qu’ils s’assurent que ce sera géré, en le vérifiant auprès des intéressés.
      Réciproquement, un cadre qui constate qu’un départ dont il a connaissance n’est pas annoncé, peut dire à son N+1 : « as-tu prévu d’annoncer le départ de X ? Souhaites-tu que j’en fasse part à mon équipe ? » Attitude proactive et peut-être risquée si l’on considère que questionner son N+1 peut nuire à la santé ;)

      Remettre chacun en face de ses responsabilités, de son propre pouvoir d’agir sur la situation ne serait-ce qu’en communiquant à d’autres ce qu’il perçoit (les faits, les conséquences possibles etc.) , le reconnecter aux convictions qui l’animent : tout un programme pour construire une entreprise faite d’individualités, donc, plus humaine.

        • Françoise sur 10 mai 2012 à 12 h 45 min
        • Répondre

        Oui, vous avez raison, Karine, cela n’a pas été très agréable à vivre pour moi, mais je n’étais pas vraiment surprise et je travaillais déjà à un projet de reconversion depuis quelques mois. Même si, tout de même, les conditions dans lesquelles cela s’est fait et l’absence totale d’accompagnement du service dans ces circonstances m’a abasourdie. J’ai d’abord considérée cela comme un manque de sens des responsabilités et un manque de simple respect humain, mais j’ai fini par conclure que c’était avant tout un problème d’incompétence managériale à gérer les aspects humains des décisions prises (ce n’était pas la première du genre non plus, à vrai dire).

        Pour ce qui est de la « suggestion au N+1 », c’est en fait moi qui lui aie « tenu la main » pour annoncer cela à l’équipe dans les meilleures conditions, en prévoyant plusieurs réunions dans lesquelles chacun pouvait s’exprimer s’il le souhaitait (au départ, il était question d’une seule grande réunion collective officielle – pour une centaine de personnes – avec une annonce descendante unilatérale). Mon N+1 se déclarait démuni et m’a demandé conseil (j’en ris encore :). Je ne l’ai pas fait pour lui mais pour l’équipe, qui avait déjà vécu pas mal de choses difficiles dans les années précédentes, avait enfin repris un élan et ne s’attendait pas du tout à cette nouvelle. Ce sont eux, ensuite, qui ont organisé mon pot de départ, la hiérarchie ne m’ayant même plus adressé un mot, dans les deux mois de préavis qui ont suivi les réunions. A vrai dire, avant de l’avoir vécu, je n’imaginais pas que la lâcheté puisse mener si loin, mais c’est un véritable enseignement.

        Merci encore à vous pour cette publication qui me permet de partager cette expérience au-delà de mon entourage proche. Cela pourra, je l’espère, permettre à certains de mieux gérer des situations difficiles.

          • Karine sur 13 mai 2012 à 10 h 22 min
          • Répondre

          Merci beaucoup Françoise pour ce partage, qui peut en effet éclairer des situations que nous connaissons tous, avec parfois bien des difficultés.

  2. Hello Karine,
    Excellent article sur un sujet trop peu souvent développé.
    La question des jeux de pouvoir revient très souvent avec ce thème. Question clé dés lors qu’il y a un positionnement entre deux individus.

    Dans les « questions de coach » , j’aurais surtout creusé sur « qu’est ce que vous avez gagné par ce silence? »

    1. Hello Eric

      Merci pour ta réaction, et ta question de coach. Je trouve aussi que la question de bénéfices (ou des conséquences négatives !) du silence est à poser pour faire réfléchir.
      Je te rejoins sur la prise de pouvoir qui plane dès qu’il y a positionnement entre deux personnes – cela me fait penser aux positions en approche systémique, escalade symétrique ou escale complémentaire. Je vois toujours dans ces prises de pouvoir quelque chose d’immature, comme un jeu d’enfant qui prend ce qu’il a sous la main pour dominer. Nous sommes loin de la co-construction !

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