(Im)posture de coach #3 : le bavard

Peluche Sherlock Holmes regardant sa montreVous voulez savoir si vous avez affaire à un coach dans une posture de coach ? Prêtez attention au temps de parole qu’il vous laisse dans l’échange. Qu’il s’agisse d’un entretien de coaching ou d’un rendez-vous pour faire connaissance, c’est un  indicateur clé de la qualité de son accompagnement. Cet article poursuit la série « (Im)postures de coach » , dédiée à la posture du coach. Cette fois-ci, Sherlock Coach est équipé de son chronomètre à gousset. Elémentaire, mon cher Watson !

 

Lire les premiers articles de la série (Im)posture de coach :
#1 – les fausses pistes
#2 – coach sans formation

Les premières fois que j’ai entendu des témoignages sur le sujet, quelle surprise !
Comment ?! Il y aurait des coachs qui parlent autant ou plus que leur client ?

Incrédule, j’ai pu observer des coachs à l’oeuvre lors d’entretiens de certification (l’une des rares occasions où un coach peut en observer un autre dans l’exercice de son art). Le spectacle d’un apprenti coach qui n’a pas laissé son « client-cobaye » en placer une et lui a imposé une interprétation hâtive et des solutions toutes faites, m’a servi de leçon.

Je me souviens aussi d’une personne qui m’a confiée son désarroi : dans ses entretiens avec sa coach, il trouvait que celle-ci parlait plus que lui. Il en ressentait une forme de malaise, comme si quelque chose ne tournait pas rond.

Et pour cause ! Si le coach – contrairement à l’analyste, par exemple – prend la parole régulièrement pour questionner, relancer, reformuler, il n’est en revanche plus dans son rôle s’il garde trop longtemps le bâton de parole. Il devient alors consultant ou formateur,  c’est-à-dire qu’il parle en position haute, la position de celui qui sait et transmet son savoir.
Rappelons que le coaching exige une posture particulière nommée « position basse » dans laquelle je me tais, j’écoute ce qui est dit, j’accueille ce que m’apporte mon interlocuteur.

A la source :
Position haute et position basse sont des concepts de la systémique définis par Paul Watzlawick dans Une logique de la communication (1979). La position haute est celle de celui qui sait et/ou qui a le pouvoir ; la position basse est occupée par celui qui ne sait pas, et qui écoute.

En quoi un coach bavard est-il un mauvais coach ?

L’une des qualités essentielles du coach, c’est son écoute. Connaissez-vous quelqu’un qui a une très bonne écoute au moment même où il parle ? On dit plus souvent d’un intarissable bavard qu’il « s’écoute parler » ; il ne peut d’ailleurs écouter que lui-même puisqu’il condamne son client au silence, pendant ce monologue.

Résumons : le coach bavard

  • obtient peu d’informations de son client, puisque celui-ci a peu le loisir de s’exprimer
  • il ne laisse pas son client dérouler le fil de sa pensée – ce qu’il ne peut faire qu’avec l’espace d’écoute du coach. Or c’est dans ce déroulement que le client va au bout de son idée, selon le principe de la maïeutique
  • il ne permet pas non plus à son client d’élaborer sa pensée au fil des questions/reformulations… puisqu’il l’en prive ! et c’est dans cette élaboration que les prises de conscience pourraient avoir lieu.

Et ce n’est pas fini :

  • le coach bavard parle… c’est donc qu’il apporte au client des informations ou, pire, des solutions
  • il prive donc son client de trouver les siennes et de développer ainsi ses propres ressources

Pour sortir de la caricature, un aveu : j’ai déjà ressenti cette possible dérive. Oui cela m’est arrivé de parler en entretien de coaching, plus que je ne l’aurais souhaité. J’ai senti mon propre inconfort alors que j’exposais une théorie systémique, et l’attente de mon client qui voulait revenir au détail de sa propre problématique. J’ai senti combien je me serais égarée en poursuivant cette explication – tout appropriée qu’elle fût à mes yeux, au cas de ce client.

Bavard, le coach a toutes les chances de rester dans sa propre tête avec son référentiel personnel, sa propre « carte du monde ». Il peut donc répondre à côté de la demande du client, sans compter qu’il répond sur une modalité qui n’est pasdu coaching.

Exemple :

Client : – Je n’arrive pas à prendre la parole devant un groupe, ça me tétanise.
Coach : – C’est très courant ! Vous n’êtes pas le seul dans ce cas.
Client : – Pourtant j’ai l’impression d’être le plus mauvais de tous les commerciaux en prise de parole…
Coach : – Vous vous comparez, c’est ce qui accroît votre stress. Et si vous commenciez par vous centrer sur vous-même ? La prise de parole, c’est un moment où l’on s’expose devant un groupe de personne et on a peur de leur jugement. C’est naturel, même si cette peur varie en intensité selon les personnes. Commencez par écouter cette peur et ce qu’elle a à vous dire. De quoi avez-vous peur, c’est la question.
Note : par cette tirade le coach s’est mis en position haute, il affirme, il apporte des connaissances à son client.
Client : – Oui j’ai peur du jugement.
Note : ici le coach a induit la réponse à son client. Le fond du problème est peut-être ailleurs, dans une peur de l’imperfection ou de perdre le contrôle, qui sait ? Malheureusement le coach a orienté le débat, espérons qu’il ait pris la bonne direction.
Coach : – Le jugement par l’autre est un thème très judéo-chrétien, c’est le thème du bien, du mal etc.  Tant que vous êtes dans cette logique, votre perfectionnisme vous bloque.
Note : à présent le coach interprète vraiment car le client n’a pas parlé de perfectionnisme !

Quand un coach est ainsi dans la transmission de savoir et la position haute, il risque l’interprétation et donc la fausse piste (#1 – les fausses pistes). Et il prive son client de ce pour quoi il a payé, un espace d’écoute, d’élaboration de la pensée et de créativité dans une recherche et développement de solutions !

Quand le coach a-t-il le droit de parler ?

  • quand il reformule
  • quand il questionne, pour initier ou relancer quand le propos se tarit
  • quand il pose son cadre : introduction et conclusion de l’entretien, explications sur la méthode de travail, prise de rendez-vous pour l’entretien suivant etc.

Comment savoir si un coach est trop bavard ?

Quelques pistes avec tentative d’objectivité :

  • il parle plus que vous
  • il vous arrive de devoir lui couper la parole, et avec difficulté
  • il passe la séance à vous transmettre une masse d’informations : théories, modèles, exemples, chiffres etc.
  • il a l’air de bien connaître votre problème car il fait systématiquement référence à des cas similaires
  • vous sortez de l’entretien sur votre faim, vous aviez d’autres choses à dire
  • vous n’avez pas trouvé un espace de parole dans lequel vous pouviez parler et penser à loisir

 

8 Commentaires

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    • Amélie sur 19 octobre 2015 à 7 h 08 min
    • Répondre

    Bonjour Karine,

    merci pour cet article très instructif. En effet, je souhaite enrichir ma pratique et lui donner une orientation plus en accord avec mes aspirations. Et je réfléchis, donc, entre deux postures différentes : formatrice ou coach.

    Donc, je glane des informations sur ces deux métiers. Cet article m’a donné quelques clés intéressantes, notamment sur l’écoute qui est une de mes qualités les plus fortes. Avec le goût de la transmission et donc, je peux être intarissable sur un sujet qui me passionne ^^…

    Avant d’envisager une formation pour l’un ou l’autre de ces métiers, j’aimerais échanger directement avec des professionnels en exercice. Accepteriez-vous que je vous contacte pour vous poser quelques questions directement (téléphone ou Skype) ?

    Au plaisir de vous lire,
    Amélie

    • Jordane de MonBonPote sur 22 octobre 2013 à 22 h 21 min
    • Répondre

    Salut Karine,

    Je viens de tomber sur ton blog grâce à la magie de Google.
    Je ne suis pas encore coach, mais je peux déjà te confirmer que ce que tu dis là est aussi valable pour plusieurs domaines.
    Mais il est vrai qu’un coach qui parle plus que son client ça annonce la couleur d’emblée.
    Je viens du conseil en conduite du changement et je constate qu’il y a effectivement beaucoup de personnes qui s’autoproclame coach pour tout et n’importe quoi, il serait temps depuis le temps que ça soit plus réglementé !

    Bon courage et je garde ton blog dans mes favoris.

    Au plaisir,

    Jordane

    • isa sur 26 janvier 2013 à 22 h 57 min
    • Répondre

    bonsoir
    merci pour l’article sur les impostures.
    Il est vrai qu’à ce jour beaucoup de charlatans se déclarent coach.
    la catégorie des thérapeutes pratiquant l’hypnose qui s’appellent hypnothérapeutes et coach en sont les premiers acteurs .
    Ils mettent en danger les personnes avec lesquelles ils « travaillent » puisque la base de leur travail réside dans la manipulation.
    Ils sont pour les coachs certifiés et qui ont un réel cursus un véritable fléau.
    Je pense qu’il serait nécessaire que la profession via une loi puisse faire le ménage.
    Bonne soirée
    isabelle

    1. Bonjour Isabelle

      Oui il est essentiel que la profession s’autorégule via un minimum de normalisation du métier.
      C’est d’ailleurs ce qui se passe sous l’impulsion commune des principales fédérations de coaching : l’Association Européenne de Coaching, l’ICF et la SFCoach.

      Leur objectif « défendre, promouvoir et structurer le métier de coach professionnel ».
      Ces acteurs interviennent par ailleurs auprès des instances gouvernementales et européennes pour obtenir le droit d’auto-réguler le métier (plutôt que cela ne soit fait par des instances qui ne connaissent pas ce métier de près).

    • BERNARD Hervé sur 4 avril 2012 à 14 h 58 min
    • Répondre

    Bonjour Karine,

    Comme le disais Claude CHATARD, je viens de terminer la SAGA sur « l'(im)posture de coach » et je pense qu’il y a beaucoup à faire en la matière.
    Beaucoup de personne se considère comme Coach alors qu’elles ne sont le reflet que d’elles mêmes. Mais il est important, par vos billets de rectifier cela et mettre l’accent sur le VÉRITABLE métier de Coach.
    Hervé BERNARD 72

      • Karine sur 5 avril 2012 à 10 h 25 min
      • Répondre

      Bonjour Hervé

      Merci pour votre commentaire !

      Oh je ne prétends pas détenir de vérité sur le métier de coach, en revanche, comme vous, il me tient à coeur de défendre la vision que j’en ai – vision partagée d’ailleurs avec beaucoup de coachs, et que l’on retrouve dans les codes de déontologie des 3 grandes fédérations de Coaching (AEC-EMCC, SFCoach et ICF).

      Si vous pensez l’un et l’autre à d’autres « impostures » de coach, faites-moi signe pour la suite de la saga, pourquoi pas en co-écriture.

      Belle journée,
      Karine

    • Claude CHATARD sur 10 mars 2012 à 8 h 29 min
    • Répondre

    Bonjour Karine et merci.

    Je viens de lire vos trois articles sur « (Im)posture de coach » : ils sont remarquables.

    N’importe qui peut s’autoproclamer coach en France sans certification et sans supervision. Au même titre que tous ces faiseurs de bonheur et de réussite sur le net, également autoproclamés experts, se cachant derrière des articles et des books fournis par les propriétaires des réseaux.

    J’espère que votre saga « (Im)posture de coach » va continuer et être largement diffusée.

    Encore merci à vous.

    Claude

      • Karine Aubry sur 12 mars 2012 à 12 h 16 min
      • Répondre

      Bonjour Claude

      Merci de vos retours !
      Puisque vous êtes également sensible aux réalités du coaching et à ce problème d'(im)postures, vos idées de thèmes sont bienvenus pour compléter cette « saga ».
      J’ai un autre article en préparation, sur le(s) conseil(s).

      Bonne journée à vous,
      Karine

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