Compris ? le coût de la paresse et de la peur

Mots incompréhensibles et réponse "Hm, oui je crois"Nous l’avons tous fait un jour ou l’autre, certains plus que d’autres : ne pas comprendre un mot ou une idée et faire comme si nous avions compris. Par facilité, paresse, manque de temps ou d’autres raisons, nous passons à côté du sens de ce message, au risque de le payer ensuite. Prétendre avoir compris a parfois des avantages, mais très souvent un coût. Etes-vous prêt à le payer ? Si vous avez tendance à ne pas oser demander, cet article est pour vous !

Un léger flottement

Vous savez ce sont ces moments de léger flottement intérieur où vous avez manqué une partie du message. Soit vous n’avez pas entendu un élément, soit vous l’avez entendu mais pas compris. S’offrent alors à vous deux options :
1. faire répéter ou préciser
2. ne rien dire

La première solution doit être riche d’inconvénients pour certains d’entre nous, car ils choisissent presque toujours la 2e.
Parfois ils sont chanceux et la suite du dialogue précise ce mot, l’éclairant par le biais d’autres éléments.

Jargon, langue étrangère

Votre client, directeur Marketing, vous explique que « l’enjeu majeur » pour lui, « c’est le TTM du produit »sur lequel vous travaillez. Vous restez coi, n’ayant jamais entendu parler du TTM (vous cherchez un sens dans votre tête : Total Timing Management ? Testing Tool Model ?) et écoutez attentivement la suite en espérant un éclairage. Heureusement, votre client reformule sa phrase plus tard : « …comprenez, vos concurrents sont attractifs en termes de Time To Market, leur cycle produit est de moins de 3 mois ! »

Dans ce cas votre incompréhension venait d’un terme de jargon professionnel – ici un acronyme, c’est toujours embêtant les acronymes, c’est ésotérique, à croire même que c’est fait exprès !

Second exemple, votre interlocuteur parle une langue étrangère que vous ne maîtrisez pas parfaitement, et vous ne voulez pas le montrer. Ou alors il articule mal et vous n’osez pas le faire répéter.

Autre exemple, avec cette fois des mots compréhensibles mais un sens global qui vous échappe :

Exemple :

Un client fait un sous-entendu

Le même client vous a exposé les avantages de la concurrence puis revient à son envie de travailler avec vous. « J’ai pris la direction Marketing il y a 2 mois, c’est le moment de bouger les lignes, mon prédécesseur a été fidèle à votre concurrent Z, vous voyez ce que je veux dire… » Justement non, vous ne voyez pas ; il y a manifestement un sous-entendu dans la phrase de votre client, que vous n’arrivez pas à décrypter.

Si vous ne demandez pas à ce client de préciser, il pensera que vous l’avez compris, et continuera sur cette voie, attendant sans doute une réponse de votre part à sa sollicitation indirecte. En clair, ce client vous signifiait que son agenda était le suivant : changer de prestataire en remplaçant son ancien fournisseur (auquel son prédécesseur était fidèle) par un autre tel que vous, ceci afin de marquer son arrivée à la direction Marketing. Et pour cela, il comptait sur vous pour être aussi compétitif (sur le TTM notamment !) que l’ancien fournisseur, ce qui l’aiderait à justifier son choix de nouveau prestataire.
Seulement, vous n’avez pas deviné ce sens caché, vous restez dans le flou.
C’est le moment ou jamais de vous servir de la reformulation élucidation !

Mais beaucoup d’entre nous ne font pas préciser le propos quand ils n’ont pas compris. Pourtant, s’ils n’ont pas entendu, cela semble moins un problème.

Exemple :

« J’ai pris la direction Marketing il y a 2 mois, c’est le moment de [VROUUUUUUM!!!! bruit de moto dans l’avenue], mon prédécesseur a été fidèle ».

Là, n’est-ce pas, il est plus facile de répondre « Je ne vous ai pas entendu, pouvez-vous répéter? »
Est-ce à dire que ce qui nous freine à faire répéter ou préciser, c’est le fait de montrer que nous n’avons pas compris ?

Le coût du silence

Si vous prenez souvent l’option 2, ne rien dire et attendre la suite, avez-vous pris conscience des coûts pour vous ? Il est possible que les bénéfices du silence (que nous verrons tout de suite après, ils fournissent les pistes de travail sur ce sujet) vous masquent ces coûts. Regardons-les à la lumière…

L’enlisement : qui ne dit mot comprend

Si vous avez manqué une partie du message, vous prenez le risque de manquer encore davantage la suite. D’abord parce que vous partez sur un flou (handicap), ensuite parce qu’en vertu du principe « qui ne dit mot comprend », votre interlocuteur ne s’adaptera pas à vous. Vous risquez l’enlisement !

Votre client Directeur Marketing vous a asséné « TTM » ; sans réaction particulière de votre part il continue sur sa lancée : « ODV », « CRM », « B2B », « CRM », « CPM »… Vous voilà noyé sous des acronymes que vous ne connaissez pas. Au secours ! Il y a des fans de jargon qui en usent et abusent, si vous laissez filer dès l’amorce de l’échange (en vous disant « je vérifierai plus tard ») vous allez rapidement être perdu !

A contrario, si dès le début vous faites préciser un de ces termes, il va peut-être adapter son discours pour vous et vous simplifier la vie. Nous sommes acteurs dans nos interactions au travail.

L’impasse

Dans le second exemple, votre interlocuteur considère que vous avez compris son message (« c’est le moment de bouger les lignes »), et enchaîne : « Vous m’avez compris, je vous laisse voir ce que vous pouvez faire, je suis sûr que nous arriverons à un accord satisfaisant en bonne intelligence. » *Gloups*

A ce stade vous êtes coincé : vous n’avez pas assez d’éléments pour « voir ce que vous pouvez faire », et en même temps, comment faire préciser maintenant ce que vous faites semblant d’avoir compris depuis vingt minutes ? C’est l’impasse ! Il va vous falloir de l’habileté pour obtenir des précisions essentielles, par exemple :

  • lui demander de vous confirmer l’essentiel de ses attentes par email,
  • lui demander de faire écrire compte-rendu de votre échange par son assistante,
  • faire une seconde réunion en invitant votre N+1 et demander à votre client de récapituler sa demande pour votre N+1 etc.

Dans ces situations nous savons faire preuve de créativité, savoir sortir du cadre !

Mais parfois nous sommes vraiment coincés et le regrettons ; c’est alors notre Estime de Soi qui en prend un coup. Comme quand vous avez ri à une blague que vous ne compreniez pas, juste parce que les autres riaient. Comme quand vous vous êtes calqué sur le « body language » de votre interlocuteur pour montrer que vous le suiviez, sans pourtant comprendre ce qu’il disait.

Pour ne pas (plus) en arriver là, attaquons-nous à ce qui nous empêche de demander à notre interlocuteur de préciser son propos.

Bénéfices : tout ça pour ça !

Au final pourquoi avons-nous tendance à faire semblant d’avoir compris ?

C’est que malgré son coût, cette stratégie a de multiples bénéfices.

1 – Gagner du temps ?

Vous laissez couler le discours de votre interlocuteur sans l’interrompre, vous évitez de perdre du temps.
Cela peut être pertinent si son discours ne vous intéresse pas : un commercial vous propose des produits dont vous n’avez pas besoin, vous le laissez jargonner en ponctuant de vagues « hm oui, c’est vrai ». Pour vous il n’est pas prioritaire de comprendre.

Si en revanche le contenu est important pour vous, attention à vos priorités ! Quelles vont être les conséquences pour vous si vous ne comprenez que 60% du message de votre interlocuteur ? Ici les « Dépêche-toi » sont desservis par leur impatience.

2 – Préserver votre énergie ? Paresse & Fatigue

La paresse a ses avantages, elle préserve votre énergie pour des choses plus importantes à vos yeux. Ainsi avec un interlocuteur bavard qui vous demande de l’attention, ou dans une situation où vous êtes fatigué, vous ferez moins l’effort de faire préciser le propos.
Est-ce un bon calcul ? Pensez à l’énergie qu’il vous faudra plus tard pour faire votre part du travail si vous n’avez pas bien compris la demande, par exemple.

3 – Paraître informé & compétent ?

Nous y voilà ! Ma croyance, c’est que ce bénéfice pèse plus lourd dans la balance que ceux qui précèdent.
La croyance : Qui écoute et acquiesce, comprend et maîtrise. Ou du moins en donne l’impression !

Ainsi, demander de répéter ou de préciser, ce serait risquer de paraître :
[  ] ignorant
[  ] stupide
[  ] pas fin, étanche aux sous-entendus
[  ] sourd !
[  ] inattentif
Cocher les cases en fonction du contexte et de vos croyances ! Croyances d’ailleurs largement partagées, si j’en juge par la popularité de l’expression « j’ai une question idiote ».

Ce phénomène est particulièrement présent dans les périodes où nous sommes vulnérables, comme une prise de poste, ou une mission où nous nous sentons en limite de compétence.

D’où ce malaise à faire répéter/préciser quand vous n’avez pas saisi. Car ces croyances limitantes, parfois fondées sur une réalité – si vous ne comprenez pas un terme technique après 3 ans à côtoyer une équipe de techniciens, évidemment… –  engendrent des peurs :

peur de la réaction de l’autre (client ou patron qui articule mal, ou impatient,…)
– peur de déranger
peur d’être en posture de faiblesse (car vous demandez quelque chose, une précision)
peur de ne pas comprendre la réponse ! « TTM ? vous ne connaissez pas ce terme ? c’est le Time to Market ! Et donc, je disais, blablabla… »

Dans ces situations les Perfectionnistes sont parfois limités par la honte qu’ils ressentent à ne pas comprendre quelque chose, et à le révéler.

Conclusion :

Nos peurs de faire répéter ou préciser ont donné de belles scènes de théâtre (Molière) et de films (Monthy Python). Une fois de plus notre limite tient en partie à la confusion dans les Niveaux Logiques : nous ne comprenons pas (Comportement ou Capacités), donc, nous sommes stupides (Identité). Le coach est particulièrement sensible à ce thème de l’incompréhension dissimulée, car lui-même ne peut travailler qu’en clarifiant vraiment ce qui lui semble obscur. Parfois même le coach joue les naïfs pour inviter son client à aller au bout de son idée ; c’est à ce prix qu’il peut accompagner son client vers sa propre vérité.

Vous voulez en rire ? Lisez la série sur nos injonctions, « Le Père Fouras a dit » ;)

 

2 Commentaires

    • @KTMSales sur 24 octobre 2011 à 17 h 37 min
    • Répondre

    Merci beaucoup pour cet article, comme pour tous les autres d’ailleurs. J’apporte ici ma modeste contribution car ce dernier me touche. Comme beaucoup j’ai « bouffé » du TTM, du CRM, de l’ERP, de l’ENT et j’en passe. Comme beaucoup j’ai préféré l’option 2, le sourire entendu qui veut dire « oui bien sûr, tout à fait, parfaitement… » Or avec le temps je mesure combien le décalage qui s’opère est lourd de conséquences.

    Par l’emploi de mots abscons l’interlocuteur veut souvent créer une pseudo connivence avec vous qui me semble plutôt relever du jeu de pouvoir, comme pour dire  » J’ai plus de mots, donc j’ai l’ascendant », « Je maîtrise le jargon, donc c’est la preuve que je suis un pro dans mon métier ». Je crois qu’il ne faut pas laisser se creuser l’incompréhension, s’installer la connivence bancale, s’imposer le jeu de pouvoir, car souvent la pseudo technicité du vocabulaire est une manière pour l’interlocuteur de se rassurer soi-même. Il faut donc opter sans hésitation pour l’option 1, et faire répéter son interlocuteur. Bien plus qu’une marque d’infériorité, c’est une grande marque d’intérêt. Très souvent au lieu de prendre la posture du professeur votre interlocuteur va s’excuser et revenir au sens profond de la notion. « ah oui le TTM, pardon je veux dire le lancement produit, c’est important pour nous de lancer avant Noël… »

    Il m’est souvent arrivé de revenir de réunions chez des marketeux ou des agences, sans avoir RIEN compris de ce qui s’est dit. Bien souvent je me suis aperçu que l’incompréhension est symétrique et que le « je ne comprends pas » est plutôt un « nous ne nous comprenons pas ». A partir de là et sans effort pour se rejoindre il n’y a pas d’intelligence, pas de dialogue et certainement pas de business.

    @KTMSales

    1. Merci pour ce commentaire ! Très intéressante l’idée de connivence comme intention positive chez l’interlocuteur, et de connivence bancale qui creuse le fossé de l’incompréhension mutuelle. Il y a sûrement du jeu social dans ces attitudes et ce jargon, en sortir n’est pas aisé mais riche de surprises et d’avancées. Pourquoi en effet ne pas refuser parfois ce jeu de dupes et dire « Pouce! je suis là pour travailler avec vous et j’ai besoin de vous comprendre » ? Ainsi répond le coach à son client chaque fois que celui-ci manque de clarté (sans le vouloir, bien sûr)

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