Mon entreprise est encore un bébé

Photo de 2 bébés identiques, 2001 et 2012Vous commencez à connaître mon penchant pour nos biais cognitifs et autres perceptions faussées. Un bon exemple en ce domaine, c’est la difficulté pour des fondateurs et dirigeants à voir l’entreprise grandir et à adapter leurs décisions et stratégies en fonction de cette réalité. Les problématiques de croissance des entreprises tiennent parfois en grande partie à ce présupposé anachronique « mon entreprise est encore un bébé ».  Et à petit bébé, petites cuillères, grandes précautions et ambitions miniatures ! Prêts à quitter le berceau ? C’est parti.

Comme les parents qui voient encore en leur adolescent le tout-petit qu’il était, le dirigeant fondateur regarde parfois sa belle PME florissante pour n’y voir que la start-up qu’elle fut jadis. A quel signe le repère-t-on ? C’est un faisceau de paroles et de comportements.

Signes révélateurs

Quelques signes dont la conjonction révèle que l’entreprise a du mal à grandir :

  • Le dirigeant continue à parler d’une future « taille critique » alors que cette taille a déjà été atteinte et dépassée.
  • La comptable continue à rogner sur chaque menue dépense et à économiser les bouts de chandelle… alors que l’entreprise est passée de 10 à 80 salariés, avec un CA proportionnel !
  • Le cash flow n’a pas suivi la croissance, la trésorerie devient grassouillette.
  • Un management embryonnaire a été mis en place, et encore, le dirigeant continue à piloter directement ses équipes.
  • La direction prend toujours ses décisions rapidement et seule, avec autant d’agilité qu’à l’époque mythique du « garage ». Parfois elle réalise qu’elle a 80 salariés, qu’elle voit un peu comme une masse à traîner.
  • Les locaux sont un peu justes, mais pas de déménagement prévu, « nous sommes encore trop petits »
  • L’entreprise situe sa concurrence dans des entreprises de taille très inférieure… taille de la start-up qu’elle a été.
  • L’entreprise se cantonne à des commandes sous-dimensionnées par rapport à ses capacités actuelles.

Gravée dans les cerveaux dirigeants, l’image de l’entreprise n’a pas évolué avec le temps et avec l’entreprise elle-même – il doit certainement y avoir un nom savant et grec pour décrire ça. Alors, on joue toujours petit, avec des conséquences fâcheuses : les choix sont limités, et le potentiel de développement de l’entreprise est bridé.

Mais au fait, comment ça fonctionne ?

Vision & Croyances périmées

A la base, il y a cette image gravée dans la tête, qui n’a pas suivi l’évolution réelle de l’entreprise.
De cette vision découle des croyances et des capacités :  si nous sommes une petite structure sans moyens, nous ne pouvons pas étoffer notre équipe commerciale, ni investir dans un poste de Marketing-Communication, ni engager des frais pour répondre aux appels d’offres etc.

Je vais partager avec vous mon vécu de présidente d’association (Azekka France-Maroc, association d’aide au développement spécialisée dans l’éducation et l’environnement dans le sud du Maroc), car c’est exactement ce qui s’est passé.

En 2003, Azekka était un nourrisson, une minuscule association de 3 personnes sans aucun moyen. Nous faisions attention à la moindre dépense en fournitures, en frais bancaires etc.
Après 1 an, 2 ans, 5 ans, l’association a commencé a à avoir quelques moyens puis des moyens importants ; le budget est passé de milliers d’euros à des dizaines de milliers d’euros. Pourtant, au sein du Conseil d’administration, nous continuions à fonctionner exactement comme la première année : nous comptions toutes les dépenses, nous tenions à garder des frais de fonctionnement minimalistes. Ce qui est une bonne chose, pour une ONG, je défends encore aujourd’hui cette idée ; mais il y a de la marge quand une ONG de cette taille est à 1% de frais de fonctionnement alors que la moyenne des ONG est à… 5-10% au moins !

En quoi était-ce limitant ? Nous portions nos efforts à contrôler des coûts qui étaient devenus anecdotiques, alors que le volume des projets méritait des moyens plus importants… et notre énergie mieux employée qu’à « jouer petit ».

Nostalgie des débuts

Un autre facteur que la perception datée peut empêcher une entreprise de grandir, c’est la nostalgie des débuts dans le coeur des fondateurs. Les débuts c’est souvent un grand moment, plein de rêves et d’idées neuves. Quand l’entreprise grandit, c’est comme avec un enfant : on perd la fraîcheur des premiers moments, cela devient autre chose, plus solide, plus grand.

« Ne grandis pas trop vite ! »
Il peut arriver qu’une équipe de direction trouve beaucoup moins de charme dans la réalité d’une entreprise de 50 ou 100 personnes, qu’elle n’en voyait dans sa start-up d’hier. Il est essentiel à ce moment-là, de se pencher sur les valeurs de ces dirigeants-fondateurs pour comprendre ce qui entame leur motivation à développer l’entreprise. Car les valeurs constituent un moteur intérieur.

Un exemple :

François a créé sa société de conseil il y a 5 ans, ils étaient deux à l’époque et couraient d’un client à l’autre avec beaucoup de plaisir. la liberté, l’initiative, la légèreté… Aujourd’hui François est à la tête de 25 personnes et son métier a changé : gestion, management, stratégie sont les maître-mots. Mais François continue à aller prospecter comme un commercial – alors que son associé l’appelle à diriger le navire. François dit que chacun doit mettre la main à la pâte, la société est encore très jeune etc. En réalité il continue à vivre d’après les valeurs du début, l’esprit du début lui manque.

>> Lire à ce sujet : Dirigeant, qu’avez-vous fait de vos valeurs ?

Peur de grandir

A la nostalgie des débuts peut venir s’ajouter une peur de grandir, basée sur des croyances (fondées ou non).

Grandir cela peut signifier, selon les personnes (rayer les mentions inutiles) :

– Devenir sérieux
– Passer de créatif à gestionnaire, pour un dirigeant (voir plus haut sur la nostalgie)
– Avoir beaucoup d’employés, donc beaucoup de problèmes
– Multiplier les risques
– Devoir déménager dans une zone moins plaisante mais où le mètre-carré est moins cher
– Devenir moins agile, devenir une grosse machine
– Devoir mettre en place un management et perdre de la liberté décisionnelle
– Changer ! (incroyable ça, encore une peur du changement…)
– etc.

Et pour vous, de quoi est synonyme la croissance d’une entreprise ?

En coaching, on travaille précisément sur ces peurs/croyances et les limites qu’elles posent à votre champ d’action. Les problématiques de croissance et d’adaptation des entreprises impliquent parfois – souvent? – le besoin pour l’équipe de direction de changer de perception, d’éclairer ce qui la limite.
Que les dirigeants-parents n’aient pas vu grandir leur enfant, ou qu’ils n’aient pas envie de le voir grandir, que cela leur fasse peur : dans tous les cas nous sommes face à des phénomènes de perception.

Que puis-je pour vous ?

Le coaching permet de tester des stratégies différentes de celles que vous utilisez habituellement, et ce de manière cadrée et sécurisante.
Si vous avez du mal à voir grandir votre entreprise et voulez retrouver tout votre plaisir à la diriger, parlons-en !

1 Commentaire

    • Pierre sur 20 janvier 2012 à 8 h 33 min
    • Répondre

    Excellent article. Merci Kolibri ! Celui-ci comme tous les autres mais celui-ci me touche, et nous touche je pense des lors qu’on travaille dans une entreprise de moins de 200 salariés. S’ajoutent, je le crois, aux pensées et croyances limitantes du dirigeant celles aussi de l’équipe de management.

    Merci pour toutes ces réflexions qui aident au quotidien pour mieux se situer dans l’entreprise.

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