Méta-communiquer : l’échange vu du ciel

Beyond coal + gas - (c) Motion Picture Company / AFP“A quoi tu joues ?”, “Tu as l’air fâché quand tu me réponds”, “Tu dis ça sérieusement ?”, “ ;-) ”. Il nous arrive à tous de communiquer à propos de l’échange avec notre interlocuteur, pour sortir d’une ambiguïté par exemple, ou clarifier une intention. Autant le faire de manière consciente et au service de nos objectifs. Cela s’appelle méta-communiquer.

C’est l’anthropologue Gregory Bateson qui a mis en évidence un second de niveau dans notre communication : le niveau “méta”, c’est-à-dire au-dessus. Métacommuniquer c’est communiquer sur l’échange en cours – dans le moment ou au sens plus large de la relation. L’intérêt : préciser le sens de notre communication, vérifier celle de l’interlocuteur, apporter un changement dans la relation, réguler les échanges.

Méta-communiquer : non verbal et émoticônes

Notre langage est riche, plein de nuances. Car aux mots déjà riches s’ajoutent de nombreuses indications de sens, par exemple les mimiques et le ton de la voix à l’oral, remplacées par le émoticônes à l’écrit : il s’agit de méta-communication. Nous méta-communiquons tous fréquemment, parfois sans le savoir !

Gregory Bateson a observé des animaux (notamment des loutres) en situation de jeu, et s’est rendu compte que ces animaux avaient la capacité de s’envoyer entre eux le signal “ceci est un jeu”, un code leur permettant de distinguer l’agressivité réelle d’une attitude feinte. Ce code “pour de faux”, “pour rire”, nous l’utilisons dès l’enfance.

“L’essence du jeu réside dans la dénégation partielle de la signification qu’avaient dans d’autres situations les actes de jeu.” (Gregory Bateson, la Nature et la Pensée, 1988)

Ainsi précisons-nous le sens de nos paroles, par exemple pour ne pas blesser, en utilisant le (sou)rire et en ajoutant si nécessaire “je plaisante !”

Préciser son intention

Préciser son intention, ou la faire préciser à l’autre, peut s’avérer utile dans de nombreuses autres situations :

“Tu me racontes ça pour quoi ?”, demande Céline à sa collègue qui se plaint depuis dix minutes de sa charge de travaille excessive, et dont elle sent venir insidieusement une demande masquée (la dépanner sur certains dossiers).

“Ne le prends pas mal : je te dis ça au plus tôt, je n’avais pas le droit de communiquer sur mon départ avant la fin de la négociation.” dit Peter à son collaborateur après lui avoir annoncé brutalement qu’il quitte le service dans quelques jours.

“Tu as l’air contrariée ?” s’enquiert David en voyant le visage de Catherine se fermer.

“Je vais être directe…” prévient Fanny lors d’un rendez-vous commercial.

“On tourne en rond” : sortir du cercle

Méta-communiquer est aussi précieux quand nous ressentons le besoin de réguler une relation, dont le fonctionnement ne nous convient pas ou plus. Car ce qui tourne en rond, c’est ce “jeu” que nous jouons involontairement et sans toujours le nommer.

“Chaque fois que tu me demandes quelque chose c’est pour dans une heure !”, dit un cadre à son manager. “Je ne peux pas toujours jouer les pompiers !”

Cette intervention ouvre une discussion de fond avec son manager, sur l’organisation du travail ; jusqu’alors, ce cadre avait répondu à toutes les demandes urgentes de son manager. En râlant certes (forme de méta-communication !) mais en faisant tout de même le travail. Même si les conditions qui ne lui convenaient pas, il s’exécutait, et le manager a donc retenu qu’au final, tout allait bien.

Quand quelque chose se répète et nous semble contre-productif, nous pouvons méta-communiquer sur ce schéma que nous voyons apparaître, vu du dessus :

“On tourne on rond, non ? Nous avons eu cette discussion des dizaines de fois et chaque fois nous échouons à trouver un terrain d’entente.”

“On va droit vers un conflit ouvert dans l’équipe, à force faire l’autruche et de laisser pourrir la situation.”

“Nous voilà au point mort, je t’ai présenté mes meilleurs candidats pour ce poste, aucun ne te convient et tu n’as personne à proposer de ton côté. Que faisons-nous ?”

Cette méta-communication permet de nommer un problème, en espérant partager le constat avec notre interlocuteur et chercher ensemble comment s’y prendre autrement pour sortir du problème.

“Et si nous nous mettions déjà d’accord sur ce qui nous divise et ce qui nous rassemble ?”

“Je vois que ce conflit dans l’équipe prend de l’ampleur, et je propose de le traiter.”

“Nous ne parvenons pas à un accord sur le recrutement, partageons nos visions pour trouver ensemble une solution.”

“Il faut savoir ce que tu veux” : nommer la contradiction

Un cas particulier où l’on semble tourner en rond, c’est lorsqu’une personne nous demande une chose et son contraire.

Soit dans une injonction paradoxale du type “contredis-moi un peu, affirme-toi davantage !”, ou encore “sois plus spontané !” : celui qui veut obéir à cette demande, y désobéit automatiquement.

Soit, par une attitude paradoxale comme celle de cet érudit américain qui voulait apprendre mais ne se laissait pas enseigner :

“C’est une histoire zen à propos d’un érudit américain désirant étudier auprès d’un maître zen.
L’érudit se rend chez son maître et lui pose question après question, si imbu de ses propres idées qu’il laisse à peine le temps au maître de répondre.

Après environ une heure de ce quasi monologue, le maître demande à l’Américain s’il désire une tasse de thé… Puis lorsque l’Américain présente sa tasse, le maître verse le thé et continue de verser, faisant déborder le thé de la tasse.

C’est bon, s’écrie alors l’américain, la tasse est pleine et déborde !

Je sais, dit le maître, tout comme l’est votre esprit…..Vous ne pouvez pas apprendre le zen avant d’avoir vidé la tasse…”

Chaque fois qu’une personne nous demande quelque chose, et qu’en même temps il nous semble qu’elle nous empêche d’accéder à cette même demande, notre meilleure option est de méta-communiquer :

“Tu me demandes mon avis mais tu ne me laisses pas finir une phrase !”

“Tu me dis que tu me fais confiance pour vérifier qu’il ne reste pas de faute dans mes présentations. J’y passe du temps, et au final tu les passes quand même au peigne fin !”

“Tu m’avais dit de te dire quand je te trouve trop familier avec l’équipe. Alors ne me reproche pas maintenant ma franchise…”

En deux mots cette méta-communication revient à dire : “Il faut savoir ce que tu veux, choisis !”

Méta-communiquer c’est gagner en marge de manoeuvre, en sortant de l’impasse ou du cercle vicieux.

Et vous ?

  • Utilisez-vous cette forme de communication ?
  • Repérez-vous des situations dans lesquelles vous pourriez méta-communiquer ?

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